Géopolitique des Amériques du Sud et centrale : un nouveau « cycle des gauches » ?

Enora Josse 

L’accession au pouvoir présidentiel, le 11 mars prochain, du Chilien Gabriel Boric, un candidat marqué à gauche, face à Antonio Kast, nostalgique de la junte de Pinochet, paraît annoncer un nouveau “cycle politique” en Amérique latine. Les sondages concernant les prochaines élections présidentielles en Colombie et au Brésil semblent confirmer l’idée d’un basculement politique du continent sud-américain vers un nouveau cycle « de gauche », en écho à la « vague rose » du début du millénaire. Pour autant, peut-on toujours appréhender les enjeux géopolitiques des pays d’Amérique du Sud par le prisme de ces « cycles idéologiques » et des dichotomies entre mouvements dits « de gauche, progressistes » et mouvements « de droite néolibérale » ?

L’Amérique du Sud, épicentre mondial du néolibéralisme dans les années 1980, est devenue le terrain des luttes politiques les plus importantes du XXIe siècle. L’année 2021 a été riche d’élections présidentielles et législatives dans les pays d’Amérique Latine, avec un rejet des présidents sortants qui n’assure néanmoins pas l’apaisement des fortes tensions sociales parcourant le continent. 

Les vecteurs de l’expression politique en Amérique latine semblent historiquement régis non seulement par des acteurs politiques, mais également par une violence omniprésente et le retour d’un certain populisme. La première décade du XXIe siècle est marquée par une “vague rose (1)”, se manifestant par l’apparition de gouvernements anti-néolibéraux, qui tentent de mettre en œuvre un ensemble de mesures pour lutter contre les inégalités sociales qui gangrènent les sociétés. Ce “cycle de gauche”, ouvert en 1999 avec l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez au Venezuela, se poursuit avec l’investiture de Rafael Correa en Equateur (2006 et 2009), Lula da Silva au Brésil (2002 et 2006), Cristina Kirchner en Argentine (2007), Michelle Bachelet au Chili (2006), Evo Morales en Bolivie (2006 et 2009) ou encore “Pepe” Mujica en Uruguay (2009).

Il est suspendu par la destitution de la présidente brésilienne Dilma Roussef en 2016, et les années 2010 voient les gauches sud-américaines essuyer de nombreux revers politiques et la reprise de l’initiative de la droite. Cette dernière rétablit des gouvernements néolibéraux, parfois au travers de coups d'État, comme au Brésil (destituant Dilma Rousseff en 2016) et en Bolivie (menant à la démission d’Evo Morales en 2019), d’autres fois par des élections démocratiques, comme en Argentine (Mauricio Macri en 2015) et en Équateur (Lenin Moreno en 2017). Des majorités conservatrices et libérales ont également été instaurées en Colombie, au Chili, au Guatemala, au Paraguay, en Uruguay, au Salvador et au Pérou. Cette période est également marquée par l’expression de facteurs de violences, notamment liée aux structures économiques des pays sud-américains. Contrairement au monde occidental, ils ont été relativement épargnés par la crise économique de 2008, profitant de la hausse des prix des matières premières sur les marchés internationaux et de la croissance des importations chinoises pour générer des recettes fiscales et financer des politiques de réduction des inégalités.

Toutefois, à partir de 2010 la chute des prix des matières premières et le ralentissement de la croissance chinoise signent le retour de l’inflation et de l’instabilité économique. Ces instabilités sont notamment liées à la dépendance des économies sud-américaines aux exportations de matières premières, dont les cours sont très volatils. À partir de 2014-2015 s’ouvre ainsi une période d’incertitudes, avec, entre autres, les effets de la crise économique et humanitaire au Venezuela, les coups d'État institutionnels au Brésil et au Paraguay, la crise de la dette en Argentine qui génère une pression inflationniste…

Le rebond des inégalités et de la pauvreté, notamment rurale (2), ainsi que de l’informalité (3) mais aussi l’ampleur des scandales de corruption qui minent quotidiennement la légitimité des systèmes politiques et des institutions et la montée des violences et de la criminalité organisée vont entraîner une radicalisation des réactions politiques. C’est ainsi qu’à la fin des années 2010 les scénarios politiques se radicalisent dans la région, sur fond de poussées « dégagistes » qui affectent tous les pouvoirs en place. Au cœur de ces évolutions s’expriment les contestations sociales des populations confrontées aux conséquences sociales de la crise, qui frappent particulièrement les classes moyennes et émergentes. Sur le plan politique, cette situation se traduit par l’expression d’une puissante défiance à l’encontre des systèmes de représentation institutionnels, médiatiques et politiques. La combinaison de tous ces facteurs est à l’origine de la montée en puissance de nouvelles réponses politiques. Certaines, autoritaires, comme celle de Jair Bolsonaro au Brésil, remettent en cause les démocraties libérales et les droits sociaux et économiques au nom de la restauration de l’ordre social et de l’application de programmes d’ajustement économique. D’autres, comme l’arrivée au pouvoir d’Andrés Manuel López Obrador, dit “AMLO” au Mexique, mettent l’accent sur des mesures anti-corruption et des programmes de redistribution et de modernisation économique. En parallèle, on constate la montée en puissance des églises évangélistes, qui influencent les mœurs et les valeurs dans la conduite des politiques publiques. Dans ce contexte d’ouverture d’un nouveau « cycle idéologique », la question vénézuélienne catalyse les tensions et accentue les fractures régionales. Elle accélère ainsi la reconfiguration des alliances régionales et internationales dans une dynamique de radicalisation et de fragmentation politique.

A partir de 2019, la pandémie de COVID-19 touche fortement les pays d’Amérique latine, qui comptent un tiers des morts imputables au coronavirus, alors qu’ils représentent moins d’un dixième de la population mondiale. La crise sanitaire a mis en exergue les faiblesses structurelles des sociétés latino-américaines, plongeant la région dans sa pire récession depuis cent vingt ans, avec une contraction du PIB de 7,7 % et un accroissement de la pauvreté de près de 10 % en 2020. Elle constitue un tournant, dans la mesure où elle se présente comme l’accélérateur d’une crise, dont les origines résident dans les structures d’économies souffrant d’un manque de diversification, et de sociétés trop peu redistributives. Déjà, dans la période précédant la pandémie, ces sociétés étaient sujettes à l’émergence de mouvements de contestation sociale en réaction aux fortes inégalités. En dehors du Venezuela et du Nicaragua, dont les situations sont spécifiques, les crises sociales qui ont éclaté au Chili, en Equateur, en Bolivie, et dans une moindre mesure en Colombie et au Guatemala, révèlent un malaise social dont la crise de la COVID-19 a rappelé les origines et la profondeur. Un consensus social commence à apparaître pour procéder à des réformes structurelles des sociétés et à l’élaboration d’un nouveau contrat social afin d’accroître l’intégration des populations marginalisées.

Dans ce contexte, l’année 2021 a vu l’accession massive au pouvoir des partis de gauches, pouvant être interprétée comme un nouveau « cycle idéologique ». Le continent entre dans la troisième décade du XXIème siècle avec, si Lula est élu au Brésil, une configuration entraînant pour la première fois une convergence des trois plus grands pays du continent vers des gouvernements, dans des proportions variées, anti-néolibéraux. Tout d’abord, les élections chiliennes constituent un évènement inédit. Depuis 2019, le pays a vécu le processus le plus étendu de mobilisations populaires, reflétant une volonté de rompre avec l’ordre social hérité de la dictature d’Augusto Pinochet. Ces mobilisations ont obligé le président Sebastián Piñera, de tendance libérale et conservatrice, à organiser des élections constituantes en mai 2021 afin de rédiger une nouvelle Constitution. La Constitution de 1980 est en effet considérée comme reproduisant les inégalités économiques et sociales en protégeant les intérêts de classes supérieures. Une majorité de parlementaires indépendants, issus des listes sociales-démocrates, indigénistes et communistes et de membres du “Front Large” (Frente Amplio), représentant la nouvelle gauche du pays, a été élue pour intégrer l’Assemblée Constituante. A l’inverse, la droite d’”En Avant pour le Chili” (Chile Vamos) n’est pas parvenue à atteindre un tiers des membres de la nouvelle convention et ne pourra donc pas s’opposer aux réformes à venir. L’élection présidentielle chilienne de janvier 2022 marque une rupture nette dans la domination des partis traditionnels, avec l’arrivée au pouvoir de Gabriel Boric, le plus jeune président de l’histoire du Chili, qui souhaite créer une “nouvelle gauche” et transformer en profondeur le pays. Les partis dits “classiques”, de droite comme de gauche modérée, n’ont pas été qualifiés pour le deuxième tour du scrutin. Il s’agit d’un événement inédit depuis le retour de la démocratie, qui confirme l’envie de changement qui s’empare du continent latino-américain. Le Honduras a également interrompu un cercle de domination du Parti national conservateur en choisissant en novembre 2021 un successeur à Juan Orlando Hernández, réélu en 2017 malgré les manifestations à son encontre. Accusé de fraude et d’implication dans des affaires de trafic de drogue, il incarne pour une grande partie de l’opinion publique la caste politique qui a empêché la gauche de parvenir au pouvoir. Xiomara Castro, issue de l’opposition de gauche (parti Liberté et Refondation Libre) sera donc la première femme présidente à la tête du Honduras. Les idées de son parti s’approchent du socialisme au pouvoir au Venezuela et à Cuba, deux pays qui ont confirmé des présidents communistes en 2018 (4), ou encore en Bolivie, où l’investiture de Luis Arce (Mouvement vers le Socialisme, MAS) en novembre 2020 marque le retour de la démocratie après le putsch de 2019. L’ancien président bolivien Evo Morales a ainsi pu rentrer d’exil, bien que l’action golpiste l’ait empêché de se présenter aux présidentielles. La situation est plus compliquée au Pérou, où Pedro Castillo, issu de la gauche, est élu président avec une marge étroite, comptant essentiellement sur les votes de la périphérie du pays, tandis que la capitale concentre les forces de la droite.

Cette décennie est aussi marquée par l’explosion des gouvernements dits “populistes” en Amérique latine. Au Salvador, triomphalement élu dès le premier tour du scrutin présidentiel de 2019, le jeune président Nayib Bukele a largement dominé ses adversaires traditionnels de gauche (FMLN) et de droite (ARENA) aux législatives de février 2021. Sa plateforme Nouvelles Idées et ses alliés du parti GANA remportent ainsi 61 sièges sur 84 à l’assemblée de San Salvador. En dépit des pressions exercées sur le Parlement, où Bukele a fait pénétrer les forces armées pour obliger les députés à approuver ses mesures de répression contre les guérillas mafieuses des Maras, il reste très populaire en raison de son opposition au crime organisé et à la corruption qui gangrènent le pays. Cette large victoire lui permet d’enclencher un processus de destitution par le congrès en mai dernier, des magistrats de la Cour constitutionnelle, opposés à une série de mesures qui pourraient selon eux violer l’ordre institutionnel salvadorien. Les magistrats nommés pour les remplacer interprètent pour leur part la Constitution en faveur du président, ce qui lui permet de se présenter à sa propre succession en 2024. Par ailleurs, le Nicaragua a reconduit en novembre 2021 le président sortant, Daniel Ortega, en place depuis 2007, avec 76% des bulletins exprimés. Ce dernier avait déjà réprimé l’opposition en disqualifiant ou en faisant emprisonner ses principaux représentants. Le résultat des élections est largement contesté par l’opposition.

Le Mexique constitue l’un des rares pays connaissant un relatif recul des dirigeants taxés de « populisme » de gauche. Elu en juillet 2018, avec 53,2% des voix au seul tour de l’élection présidentielle, le nationaliste et progressiste Andrés Manuel López Obrador (“AMLO”), chef d’Etat le plus à gauche du pays depuis des décennies, a essuyé plusieurs revers en 2021. En effet, il perd aux élections législatives de juin dernier la majorité absolue détenue jusqu’alors par sa formation, MORENA. Le référendum du 1er août voit l’approbation des mesures anti-corruption prônées par AMLO à 97,72 %, mais avec seulement 7,2 % de participation, ne permettant pas leur validation. Cependant, malgré ces échecs, le candidat de MORENA à l’élection présidentielle de 2024, à laquelle AMLO ne peut théoriquement pas se présenter, part pour le moment favori.

Source: Carte sur les couleurs politiques de l’Amérique latine après l’élection présidentielle au Chili (Crédit photo : © Gustavo IZUS) 

Si les processus électoraux en Amérique Latine confirment un virage à gauche dans quasiment tous les pays de la région, cette tendance globale reste toutefois à relativiser. En effet, plus qu’un revirement à gauche, il s’agit d’une tendance à “sortir les sortants” et à rejeter les partis politiques traditionnels. On constate en effet que seuls le Nicaragua et la Bolivie optent pour la reconduction du mandat du pouvoir en place, tous les autres pays manifestant un désir de rupture de la continuité politique. L’incertitude sur ce revirement à gauche est d’autant plus grande que certaines victoires ont été acquises en l’absence d’une véritable opposition, à Cuba, au Nicaragua et au Venezuela, et que les sondages ne permettent pas toujours de prévoir les résultats de certaines élections, au Chili comme au Honduras. En outre, si les résultats des élections présidentielles semblent confirmer une domination des partis de gauche dits « progressistes », les processus électoraux témoignent d’une réalité politique plus complexe, où la polarisation et la fragmentation du jeu politique traduit les fortes dissensions inhérentes aux sociétés sud-américaines.

Les tensions économiques et sociales, exacerbées par la pandémie, aboutissent en effet à une radicalisation des mouvements d’opinion et à une polarisation durable de la vie politique. Dans un certain nombre d’élections nationales, les électeurs sont confrontés à des candidats aux idéologies radicalement opposées. Ainsi, les scrutins sont souvent marqués par l’opposition des formations politiques plus extrêmes, avec scores relativement serrés. Au Chili par exemple, le premier tour des élections présidentielles a abouti au leadership d’un candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, avec près de 28% des voix, suivi de près par Gabriel Boric (25,8%). Les élections législatives chiliennes ont également conduit à l’élection d’une majorité de députés de gauche à la chambre basse, tandis que la chambre haute était divisée, avec 25 législateurs de gauche et tout autant de droite. Le scrutin présidentiel péruvien fournit un autre exemple de cette polarisation, puisque, lors du second tour, la gauche “radicale” de Pedro Castillo, soutenue par les zones rurales et le sud du Pérou et qui sera finalement élu, affronte la droite “radicale” de Keiko Fujimori, portée par Lima et l’Amazonie péruvienne. La fragmentation politique est un autre phénomène qui témoigne de ces tensions. Lors du premier tour de l’élection présidentielle péruvienne, aucun candidat n’a atteint 16 % des suffrages exprimés et les six personnalités arrivées en tête ne sont séparées que de 9 % au plus. En Équateur on constate le même phénomène, qui donne lieu à une contestation des résultats électoraux. En outre, l’émergence de nouveaux acteurs politiques qui se positionnent en dehors des partis traditionnels, comme au Chili depuis 2017 et au Salvador depuis 2019, bouleverse les champs politiques et les représentations qui prévalaient jusqu’alors. Ces chiffres reflètent le triomphe de lignes plus dures, tant à gauche qu’à droite, ainsi que des divisions très prononcées au sein des citoyens.

Par ailleurs, les résultats des élections législatives dans les différents pays sud-américains indiquent des tendances contraires. L’Argentine, fortement affectée par la pandémie, ne parvient pas à s’échapper de la spirale inflationniste qui accentue la pauvreté et contribue à discréditer le président péroniste de gauche, Alberto Fernández. Les élections législatives de novembre 2021 se sont ainsi soldées par une large victoire de l’union des droites, et l’émergence d’une extrême droite qui a fait son entrée au Congrès avec quatre députés. Si l’on prend également en compte le résultat des “Primaires Ouvertes Simultanées et Obligatoires” de septembre 2021, on pourrait considérer que les élections argentines reflètent un “nouveau cycle de la droite libérale” en Amérique Latine. En outre, en Equateur, c’est un candidat de droite, Guillermo Lasso, qui est élu en avril 2021. De même, si la présidence péruvienne a été gagnée par Pedro Castillo, marqué à gauche, les électeurs ont envoyé au Parlement des députés de droite. Enfin, si on considère les années antérieures, les présidentielles des années 2018 et 2019 ont vu l’accession au pouvoir de présidents de la droite libérale au Paraguay (Abdo Benítez), au Guatemala (Alejandro Giammattei) ou encore en Uruguay (Luis Alberto Lacalle Pou).

Aux vues de ces résultats qui chevauchent à la fois des listes de gauche et de droite, on peut s’interroger sur l’existence de “cycles politique”. La contextualisation des récentes élections sud-américaines amène à relativiser ce concept, pour s’intéresser plutôt à un phénomène d’alternance des partis au pouvoir, liée à la contestation d’un ordre socio-économique profondément inégalitaire, se manifestant par une tendance à « sortir les sortants ». Pour analyser les alternances/les fluctuations politiques sud-américaines, il est préférable de considérer d’autres facteurs. En particulier, les conditions économiques et sociales dans lesquelles doivent gouverner les partis au pouvoir influencent considérablement leurs possibilités de réélection. La pauvreté et l’inflation galopante peuvent en partie expliquer le rejet du pouvoir en place, comme la défaite du péronisme en Argentine. Si ces phénomènes d’alternance ne s’observent pas à Cuba, en Haïti, au Nicaragua ou au Venezuela, cela peut s’imputer à l’absence de mise en jeu réelle du pouvoir par le biais d’élections concurrentielles et transparentes. Le moteur de ces alternances semble moins idéologique qu'économique et social. Partout en Amérique Latine, elles ont répondu à un mouvement collectif de contestation du pouvoir en place et plus généralement de l’ordre socio-économique inégalitaire qui prévaut.

Dans ce contexte général, l’année 2022 s’annonce mouvementée pour les démocraties latino-américaines, avec un long cycle électoral qui débutera par trois scrutins présidentiels au Costa Rica, en Colombie, et au Brésil. A l’approche des élections municipales brésiliennes, les violences se multiplient avec 14 candidats assassinés depuis septembre dernier. Dans la perspective des élections présidentielles de 2022, la gauche paraît divisée, mais d’après l’institut Ipec, Lula obtiendrait 48% des intentions de vote, contre 21% pour Jair Bolsonaro. Sergio Moro, ancien ministre de la Justice et de la Sécurité publique de Bolsonaro et ancien juge de « Lava Jato », la plus grande opération anti-corruption de l’histoire du Brésil (parti Podemos), obtiendrait 6% des voix. Les Colombiens, quant à eux, renouvelleront tout d’abord le Congrès en mars prochain, avec 16 nouveaux sièges parlementaires attribués aux victimes du conflit armé, conformément à l’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla des FARC-EP. En mai se déroulera le premier tour des élections présidentielles, lors duquel les sondages comme ceux de l’institut Invamer prévoient le gauchiste Gustavo Petro en tête. Après les manifestations de 2020, les Colombiens semblent vouloir rompre avec la période conservatrice initiée par Álvaro Uribe en 2002.

Si la géopolitique sud-américaine ne peut être abordée exclusivement par le prisme de “cycles politiques”, l’émergence d’une majorité de gouvernements issus de mouvances politiques similaires pourrait néanmoins permettre de reprendre le processus d’intégration latino-américain, qui connaît d’importantes difficultés. En effet, l’architecture intergouvernementale est mise à mal, notamment en raison du développement de multiples crises économiques, sociales et politiques sur l’ensemble du continent. En 2018, six pays (5) ont décidé de suspendre leur participation à l’Union des Nations sud-américaines (UNASUR). De même, les pays latino-américains ont délaissé la Communauté des États de l’Amérique latine et des Caraïbes (Celac), notamment le Brésil qui s’est retiré en janvier 2020. L’intégration régionale constitue pourtant un moyen central d’accroître l’influence des pays sud-américains sur la scène internationale. Le sixième Sommet de la Celac, qui s’est tenu le 18 septembre dernier sous présidence mexicaine et en présence, notamment, de Xi Jinping, semble cependant incarner une volonté de relance du dialogue régional en Amérique latine. Devenue un des principaux terrains de luttes sino-américaines, la géopolitique de la région dépendra également de l’évolution du rapport de force entre les deux grandes puissances. Enfin, dans le contexte de la pandémie, la géopolitique des vaccins alimente la diversité des positions latino-américaines.

(1) Traduit de l’espagnol “marea rosa”.

(2) Près de 50% de la population rurale vit sous le seuil de pauvreté selon l’ONU.

(3) Plus de la moitié des travailleurs latino-américains sont employés dans le secteur informel selon l’OIT.

(4) Respectivement, Nicolas Maduro et Miguel Díaz-Canel.

(5) L’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Paraguay et le Pérou.

Bibliographie 

Articles académiques :

  • Syndicalismes et gouvernements progressistes. Cahiers des Amériques latines, n° 86, sous la direction de Franck Gaudichaud, IHEAL CREDA, 2018.

  • Pascal DROUHAUD et Guillaume ASSKARI. “L’Amérique latine : les défis et perspectives en 2021”. Revue politique et parlementaire, 13 janvier 2021. URL: https://www.revuepolitique.fr/lamerique-latine-les-defis-et-perspectives-en-2021/

Articles de presse internationale :

  • Noémie TAYLOR-ROSNER. Au Chili, le candidat d’extrême droite arrive en tête du premier tour de la présidentielle. Courrier International [en ligne], 22 novembre 2021. URL: https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/elections-au-chili-le-candidat-dextreme-droite arrive-en-tete-du-premier-tour-de-la

  • Serge HASTOM. “Ancienne chasse gardée des États-Unis, l’Amérique centrale se tourne vers Pékin”. Courrier International [en ligne ], 17 décembre 2021. URL : https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/geopolitique-ancienne-chasse-gardee-des-etats -unis-lamerique-centrale-se-tourne-vers 

  • Serge HASTOM. “Narco-État. Les élections générales au Honduras, “un baril de poudre” prêt à exploser”. Courrier International [en ligne ], 27 novembre 2021. URL: https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/narco-etat-les-elections-generales-au-honduras -un-baril-de-poudre-pret-exploser

Articles de presse nationale :

  • Anne Dominique CORREA. “Combat de l’aigle et du dragon en Amérique latine. La Chine s’engouffre dans une région délaissée par les États-Unis”. Le Monde Diplomatique [en ligne], Octobre 2021. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2021/10/CORREA/63589

  • Camille AUDIBERT. “Au Chili, des élections historiques”. Médiapart [en ligne], 15 mai 2021. URL: https://www.mediapart.fr/journal/international/150521/au-chili-des-elections-historiques

  • Patricio PARIS. “Chili / La victoire de Boric. Quels défis pour quel gouvernement?”. Billet de blog, Le Club de Médiapart [en ligne], 21 décembre 2021. URL: https://blogs.mediapart.fr/patricio-paris/blog/211221/chili-la-victoire-de-boric-quels-defis-pour-quel-g ouvernement

  • Jean-Marc ADOLPHE. “Chili : les visages de l’Assemblée constituante”. Billet de blog, Le Club de Médiapart [en ligne], 15 janvier 2022. URL: https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-adolphe/blog/150122/chili-les-visages-de-l-assemblee-constituante

  • Eric LE BOUCHER. “L'Amérique latine, laboratoire des échecs du populisme”. Les Echos [en ligne], 25 octobre 2019. URL: https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lamerique-latine-laboratoire-des-echecs-du-popu lisme-1142966

  • Olivier BRAS. "Le Chili vit une polarisation et une fragmentation politique". France 24 [en ligne], 17 novembre 2021. URL: https://www.france24.com/fr/amériques/20211117-élection-présidentielle-le-chili-vit-une-polarisation et-une-fragmentation-politiques

  • Franck GAUDICHAUD. “Tout commence au Chili”. Le Monde Diplomatique, janvier 2022. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2022/01/GAUDICHAUD/64194 

Articles de revues spécialisées :

  • Nicolas KLEIN. “« Sortez les sortants ! » Un an d’élections présidentielles en Amérique latine”. Revue Conflits [en ligne], 22 décembre 2021. URL: https://www.revueconflits.com/amerique-latine-elections-presidentielles/

  • Glauber SEZERINO (Autres Brésils). “Cartographie politique de l’Amérique du Sud : le basculement des années 2010”. Dossier “Amérique du Sud : La fin d’un cycle ?”. Ritimo, mai 2018. URL: https://www.ritimo.org/Cartographie-politique-de-l-Amerique-du-Sud-le-basculement-des-annees-201 0 

Rapports, articles et notes de recherche d’organisations :

  • Christophe VENTURA. Amérique Latine : Crises, radicalisations politiques et fractures régionales. IRIS, 13 Mars 2019. URL: https://www.geostrategia.fr/amerique-latine-crises-radicalisations-politiques-et-fractures-regionales/

  • Christophe VENTURA. Retour sur le VIe sommet de la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (Celac). “Vers une relance de la vie régionale en Amérique Latine?”. IRIS, Octobre 2021. URL: https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2021/11/Note-AFD-Celac-Oct-2021.pdf

  • Emir SADER. “Amérique latine : pourquoi les élections au Chili, au Brésil et en Colombie sont-elles si importantes ?”. Nouveaux espaces latinos [en ligne], 9 décembre 2021. URL: https://www.espaces-latinos.org/archives/103534

  • Jean-Jaques KOURLIANDSKY. “L’Amérique latine en désintégration pandémique”. IRIS, 14 mai 2020. URL: https://www.iris-france.org/147008-lamerique-latine-en-desintegration-pandemique/

  • Jean-Jacques KOURLIANDSKY. ”L’Amérique latine 2022 : aux portes d’un nouveau cycle politique”. Nouveaux espaces latinos [en ligne], 6 janvier 2022. URL: https://www.iris-france.org/163897-lamerique-latine-2022-aux-portes-dun-nouveau-cycle-politique/

  • ONU. “L'Amérique latine et les Caraïbes subissent un revers historique dans la lutte contre la pauvreté rurale (FAO)”, 21 novembre 2018. URL: https://news.un.org/fr/story/2018/11/1029801