L'épopée stratégique #2 - Sun Tzu, le bon général qui gagne la bataille avant de l’engager

Justine Grenon

Une existence contestée ?

L’existence de Sun Tzu a été et est encore aujourd’hui contestée, en effet, rien ne confirme qu’il a réellement existé. Néanmoins, l’existence de ce personnage, aussi énigmatique que connu, est historiquement admise, notamment en raison de l’ouvrage qui lui est attribué : l’Art de la guerre.

Sun Tzu serait né en Chine, dans l’Etat de Qi devenu aujourd’hui le Shandong, durant la période dite des « Printemps et des Automnes » entre -722 et -476. Issu d’une famille d’aristocrates militaires, son existence est marquée par les divisions et les luttes internes qui frappent sa province. Selon les légendes, il aurait appris le métier de la guerre auprès de son grand-père et serait ainsi l’auteur de l’un des traités de guerre les plus connus du monde entier.

« L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat »

Sun Tzu développe une philosophie de la guerre tout à fait singulière : la victoire ne dépend ni de la taille d’une armée, ni de la quantité de ressources disponibles mais bien de la stratégie mise en œuvre. Ses idées sont réunies en 13 chapitres dans le traité qu’il nomme L’Art de la guerre. Sa stratégie repose sur une idée simple : la meilleure bataille est celle qui n’a pas lieu. Ainsi, d’après lui, le combat se gagne par la force intellectuelle et non par la force physique.

Selon Sun Tzu, l’art de la guerre est en réalité celui de la tromperie : pour gagner, il faut se connaitre soi-même et connaitre son ennemi. De ce fait, il est possible de se mettre à la place de son adversaire, de penser à sa place et d’anticiper sa stratégie. Ainsi, la ruse et l’espionnage permettent de contraindre son adversaire à abandonner le combat avant même qu’il ait eu lieu. C’est l’idée qu’il développe dans le troisième chapitre de L’Art de la guerre intitulé Attaque par tour dans lequel il montre qu’en se connaissant soi-même et en connaissant son ennemi, la victoire est assurée.

Connais ton adversaire, connais toi, et tu ne mettras pas ta victoire en danger

Sun Tzu précise cependant qu’il est possible de gagner en ne connaissant pas son ennemi, mais alerte que les pertes risquent d’être conséquentes. En revanche, pour lui, si on ne se connait pas soi-même et que l’on ne connait pas son ennemi, c’est la défaite qui est assurée. C’est également la philosophie transmise par de nombreux arts martiaux, arts sur lesquels il insiste tout au long de son œuvre.

Dans son Traité, Sun Tzu développe un autre aspect de la guerre : celui de minimiser les dommages et les pertes autant que possible. En effet, il admet que lorsque la victoire est inespérée, il est absolument inutile de combattre. Rien ne sert de « gaspiller » des hommes et des moyens technologiques. Néanmoins, ce n’est pas parce que l’on est plus faible que l’on va forcément perdre : il est possible de surprendre son ennemi. La ruse est parfois suffisante pour renverser les rapports de force, la clé étant l’effet de surprise.

L’art de la guerre au quotidien

Au fil des millénaires, cet ouvrage a été de plus en plus lu et ses stratégies ont été mises en application, notamment par des militaires. Selon des récits historiques, Napoléon aurait consulté des passages de l’Art de la Guerre, ce qui lui aurait permis de gagner de nombreuses batailles telles que celle d’Austerlitz en 1805. En effet, l’empereur français mène alors des troupes en infériorité numérique face à l’ennemi et se bat contre les empires autrichien et russe. Pourtant, ses talents de stratège lui permettent de réussir à prendre ses adversaires en étaux, conduisant ainsi son armée à une victoire écrasante. Par ailleurs, dans le septième chapitre Manœuvre, Sun Tzu explique en quoi la connaissance de la région, de ses forces et de ses faiblesses est incontournable à la victoire : « connais le ciel et connais la Terre, et ta victoire sera totale ». Il peut ici être évoqué la guerre du Vietnam, gagnée non pas par les Américains, plus nombreux et mieux armés, mais bien par le Vietminh, qui connaissaient mieux le terrain.

Si ce livre suscite encore aujourd’hui beaucoup d’admiration et inspire toujours certains stratèges actuels dans la conduite des combats, il permet de comprendre certains comportements humains et est surtout utilisé à des fins commerciales.

Avec cet ouvrage, Sun Tzu a illustré ses talents de stratège. Cependant, des siècles plus tard, ses conseils sont toujours d’actualité dans de nombreux domaines, ce qui en illustre sa grandeur. A l’heure actuelle, il est communément admis que l’Art de la guerre n’est pas uniquement un recueil de conseils militaires mais bien une philosophie de vie à suivre pour éviter les confrontations et les résoudre le cas échéant. Ainsi et de façon plus générale, il peut inspirer pour relever les défis du quotidien.