Le statut des migrants en Libye : le passage d’une "arme migratoire" étatisée à un instrument d’exploitation économique locale

Domitille Auriol et Inès Thibout


Le 28 janvier dernier, la Première ministre italienne était en visite officielle en Libye, où elle a rencontré le Premier ministre du gouvernement d’unité nationale, Abdul Hamid Dbeibah. Si les discussions ont largement porté sur le domaine de la production de gaz, l’autre question épineuse de cette rencontre était celle de la régulation des migrations. Alors que les deux pays ont conclu un nouvel accord « historique » à cet égard, il semble pertinent de revenir sur la politique migratoire ambivalente qu’a menée la Libye depuis le régime Khadafien, et plus particulièrement la manière dont celle-ci est passée d’une “arme migratoire” étatisée à un instrument d’exploitation économique local.

L’arme migratoire Kadhafienne 

Carrefour entre le monde Arabe et l’Afrique subsaharienne, pays d’immigration depuis plus de 50 ans, la République Arabe Libyenne, mise en place en 1969, a progressivement réussi à tirer profit de son identité de « pays de transit ».

Alors que l’ombre de Mouammar Kadhafi, et les pays Africains, plane encore sur le pays, il semble essentiel de mettre en lumière les méthodes et moyens par lesquels la Libye est parvenue à instrumentaliser et exploiter les flux migratoires la traversant avant le déclenchement des Printemps Arabes et la crise migratoire que ceux-ci ont entraîné. Sous le régime Kadhafien, les mesures liées à l’organisation de l’immigration constituent une véritable « arme migratoire » : la politique migratoire suit ainsi les rebondissements et les paradoxes de la vie politique libyenne et l’évolution des relations diplomatiques du pays. Les flux migratoires en direction de la Libye émanent dans un premier temps des pays Arabes (principalement de Tunisie et d’Egypte), dans un contexte de promotion du panarabisme (« mouvement politique, culturel, et idéologique séculier qui vise à réunir et à unifier les peuples arabes »), puis des pays de l’Afrique subsaharienne à partir des années 1990 alors que M. Kadhafi tente de vanter les mérites d’une union sahélienne. La population subsaharienne est cependant menacée sur le territoire libyen à partir des années 2000, alors que se multiplient vagues de xénophobie, expulsions et rapatriements forcés. En parallèle, l’immigration poursuit son cours dans le pays et on estime que la part des étrangers en Libye représente environ un quart de la population active à cette même période. Il convient de noter que les conditions réservées aux migrants par les autorités libyennes sont alors déjà dénoncées par les Organisations internationales et non gouvernementales, qui condamnent les méthodes de détentions arbitraires et de mauvais traitements. Il faut en effet rappeler que la Libye n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, bien que le pays ait cependant adopté la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique signée en 1969. Selon la Constitution Libyenne, les réfugiés sont en effet traités comme des étrangers (sans avoir accès à un statut particulier) et il n’existe pas de procédure particulière concernant les demandeurs d’asile. Durant l’ère Kadhafienne, le Haut-Commissariat aux Réfugiés ne dispose pas non plus de statut officiel, malgré une collaboration partielle entre l’agence onusienne et les autorités libyennes. Les évènements de 2011 ont constitué une opportunité pour le HCR de s’implanter plus fermement dans le pays tout en légitimant sa présence.

Si M. Kadhafi a durablement marqué l’histoire libyenne et impacté la position du pays sur l’échiquier régional, celui qu’on nommait le « Guide de la Révolution » a également fortement influencé les relations qu’entretient la Libye avec l’Occident en général et l’Europe en particulier. L’utilisation de l’immigration par la Libye comme un moyen de rapprochement et de pression sur l’Europe est observable dès la fin des années 1990. Dans un contexte d’émergence de « l’Europe forteresse », le vieux continent ne cesse en effet d’entériner des accords de collaboration avec des pays tiers dans le but de réguler l’immigration « à la source ». Illustrant cette tendance, l’Union Européenne signe en 1995 le Processus de Barcelone en collaboration avec l’Algérie, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie entre autres. Dès le début des années 2000, la ligne de conduite européenne quant à ses relations avec la Libye est basée sur la stratégie menée par l’Italie. Rome, motivée par une volonté de contourner le déséquilibre que lui impose le règlement Dublin, mobilise à la fois ses propres moyens et ceux de l’UE. En 2003, Tripoli conclut ainsi un accord avec l’Italie afin de lutter contre l’immigration irrégulière, monnayant du matériel militaire et de contrôle alors qu’un embargo sur la fourniture d'armes pèse sur la Libye. Cette nouvelle position de force du pays lui permet d’obtenir de l’UE qu’elle mette fin aux sanctions à son encontre en octobre 2004. Au même moment, un nouvel accord avec l’Italie est signé, dans le but de réguler conjointement l’immigration. Les deux pays orchestrent alors de nombreuses expulsions collectives de migrants ayant transité par la Libye. Le Parlement Européen décrie cette pratique dès 2005, sans que cela n’y mette fin.

L’arrivée des Printemps arabes : le passage à un instrumentalisation à des fins d’exploitation économique locale 

L’arrivée des « Printemps arabes » et la fuite de Kadhafi en août 2011 suite à la prise de Tripoli par les forces rebelles marque le début de la guerre civile libyenne et constitue l’entrée d’une nouvelle dimension pour les migrants, de plus en plus utilisés comme instrument d’exploitation économique locale. A l’aube de cette même année, de violentes contestations sont réprimées à Benghazi à l’Est, s’étendant petit à petit dans tout le pays. Le 20 octobre, le « petit père du peuple Libyen » est assassiné suite à l’application de la résolution 1973 onusienne par la coalition de Washington, Paris et Londres dans l’objectif de protection de la population libyenne. Seulement trois jours plus tard, le Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, proclame la « libération » du pays, assurant vouloir mettre en place une législation future basée sur la charia, inquiétant les forces occidentales. Ce premier épisode entraîne l’exode massif de centaines de milliers de migrants et réfugiés, présents en Libye avant le commencement du conflit : près de 800 000 personnes fuient vers les pays voisins, en particulier en direction de la Tunisie et de l’Egypte, plus de 1500 morts sont recensés cette même année en Méditerranée et 4% des migrants de travail et réfugiés exilés en Libye sont accueillis en Europe.

Dans le sillage de ces évènements est organisé le premier scrutin libre le 7 juillet 2012 au cours duquel les libéraux sortent majoritaires, suivis par les partis islamiques. Le CNT laisse place au Congrès général national (CGN). Malgré tout, cette élection ne résout pas pour autant la situation qui s’avère de plus en plus socio-économiquement instable en raison des milices formées issues des révoltes populaires, défendant leurs propres intérêts et bloquant les installations pétrolières. Celle-ci s’avère tellement critique qu’un certain nombre de missions diplomatiques sont suspendues à la suite de l’attaque meurtrière contre l’ambassadeur américain à Benghazi le 11 septembre 2012 et celle manquée envers l’ambassadeur de France à Tripoli le 23 avril 2013. C’est notamment au cours de cette même année que sous la pression des milices révolutionnaires, le Parlement est contraint d’adopter une loi de « bannissement politique » excluant les personnes ayant occupé des postes à responsabilité sous le régime de Kadhafi, forçant dès lors de nombreux élus à quitter leurs fonctions en cours. D’autant plus que ce sont ces mêmes ex-rebelles, les Katibas, qui détiennent le sort des migrants, ayant pour objectif de « nettoyer le pays des étrangers qui ne sont pas en règle et mettre fin aux pratiques de Kadhafi qui avait laissé entrer beaucoup d’Africains en Libye ». Une « traque aux migrants » est rapidement organisée afin de favoriser la sécurité du pays sous couvert de pratiques racistes et excluantes (contrôle au faciès, exigence de présentation de visa ou de permis de séjour en règle mais qui s’avère impossible à fournir au vu de la situation catastrophique et du non fonctionnement des appareils administratifs...). Pour ceux qui ne seraient pas directement renvoyés chez eux, ils sont enfermés dans des camps de détention, sans aucune réglementation ni loi, faisant de ces endroits des zones de non droit profondément arbitraires. Cependant, cette opération supposée être facilitée par la mise en oeuvre de la Direction pour combattre l’immigration illégale (DCIM) s’avère finalement être peu efficace, l’arrivée massive de migrants et réfugiés en provenance du Sud échappant totalement au contrôle des Katibas locales en raison de la mauvaise logistique du système d’enregistrement, faisant de ces personnes les nouvelles proies des milices armées.

Forts de leurs agissements, les groupes islamistes étant de plus en plus craints, ne se résolvent pas à reconnaître leur défaite lors des élections du 25 juin 2014. Au sortir du mois d’août, ces derniers forment une coalition de milices et s’accaparent la direction de la capitale en réinstallant le CGN à la tête du Gouvernement, la chambre des représentants ayant fui à Tobrouk et toujours seule force à être reconnue par la coalition internationale comme détentrice du pouvoir. Le pays voit alors deux camps s’affronter, libéraux contre islamistes Fajr Libya (« Aube de la Libye »). C’est ainsi que débute la seconde guerre civile. Au même moment, l’Etat islamique fait son apparition et s’installe à Syrte, accentuant les tensions entre milices armées et contribuant d’autant plus à la déliquescence du pays, de plus en plus marqué par une forte immigration clandestine en provenance d’Afrique subsaharienne et du Levantin, en direction de l’Europe. En l'occurrence, jusqu’au début de l’année 2013 (date de fermeture de la frontière avec l’Egypte), la Libye maintenait ses portes ouvertes aux Syriens, à tel point que près de 100 000 d’entre-eux étaient estimés installés dans le pays, la plupart ne souhaitant pas se rendre en Europe mais trouver un travail en Libye, afin de pourvoir aux besoins de leurs familles. En mars et avril 2013, ce sont principalement des migrants originaires d’Érythrée, d'Éthiopie, de Somalie et du Soudan enfuis en Libye qui ont tenté de rejoindre l’Europe (4290 réfugiés potentiels comptant au total 24 bateaux dont quatre ont été interceptés et renvoyés en Libye). Ce n’est qu’à partir de 2017 qu’un accord a été conclu entre la Libye et l’Italie, dans l’objectif d’optimiser la régulation de cette immigration irrégulière.

Afin de calmer les tensions, un accord de paix soutenu par l’ONU est signé fin 2015, à la suite de quoi est créé un gouvernement d’union nationale (GNA). Cependant, la promulgation de Fayez al-Sarraj est fortement contestée à l’Est par l’ANL avec à sa tête le maréchal Haftar, qui rejette le GNA et relance les confrontations.

Après trois ans de lutte, Haftar débarrasse Benghazi des mains des jihadistes et prononce sa libération, lui permettant en 2018, de récupérer la ville de Derna. 2019 et 2020 sont marquées par des rebondissements et des échanges de territoires, le GNA obtenant le soutien de la Turquie dans sa prise de possession de l’Ouest du pays, tandis qu’Haftar détenant toute la partie Est et notamment celle relative au contrôle pétrolier, poumon économique du pays, est soutenu par la Russie, l’Egypte et les Emirats arabes unis. Un cessez-le-feu est signé le 23 octobre 2020 et le 5 février 2021, l’ingénieur et homme d’affaires Abdel Hamid Dbeibah est désigné Premier ministre intérimaire et toujours seule force gouvernementale à être reconnue par la communauté internationale, rejetant à la fois la nomination de F. Bengdara à l’Est et tout accord conclu de la part de Tripoli avec d’autres États étrangers.

Il y a une indéniable continuité entre l’ère Kadhafienne et la période actuelle dans les pratiques et les dynamiques qui animent les migrations en Libye. De nombreux mécanismes que l’on observe aujourd’hui étaient en effet déjà à l’œuvre avant 2011, d’où l’intérêt de s’y pencher. Il existe cependant deux différences notables. La dernière décennie a d’une part été marquée par une intensification du flux migratoire vers la Libye et des trafics qui en découlent. On remarque d’autre part un éclatement des acteurs liés aux migrations, ce qui a entraîné une aggravation et une systématisation des abus dont sont victimes les migrants résidants sur le sol libyen. Cela implique que le « sous traitement » du contrôle aux frontières menés par l’UE se fait désormais en coopération avec des acteurs libyens éclatés que les pays européens peinent à contrôler. En effet, cette collaboration mêle désormais divers acteurs : communautés locales, garde-côtes et milices, potentiellement mêlées aux trafics et abus liés aux migrations.

Au niveau de la coopération bilatérale entre la Libye et l’Italie, si les expulsions collectives de migrants sont dans un premier temps monnaie courante, celles-ci sont officiellement condamnées en 2012 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le constat de la CEDH est double : la Libye ne peut et ne doit pas être considérée comme une terre d’accueil sûre pour les migrants et les pays membres de l’UE ne peuvent se délester de toute responsabilité en concluant des accords entraînant des sévères violations des droits humains. Malgré ce postulat, un nouvel accord entre Libye et Italie est conclu en 2017, puis renouvelé pour trois ans en 2020. Celui-ci fait face à de nombreuses critiques car jugé opaque. L’ambiguïté des partenaires sur lesquels il s’appuie (acteurs locaux et milices) est également soulignée, ainsi que sa propension à favoriser la corruption. En outre, l’objectif de contention des migrations de l’accord est vigoureusement dénoncé, car il pose le problème de la détention des migrants, pratique non encadrée et réalisée dans des conditions inhumaines mais qui continue d’être soutenue par l’Italie et l’UE.

Cette gestion de l’immigration par la Libye se faisant exclusivement à travers des accords bilatéraux mais, en dehors de tout cadre global, entraîne une approche au cas par cas qui permet donc aux nouveaux acteurs libyens de tirer profit de la politique migratoire.

Le sort des migrants aujourd’hui 

L’une des conséquences dramatiques des événements survenus depuis ces dix dernières années en Libye demeure sans réelle surprise celle de l’immigration clandestine comme précédemment évoqué, provenant principalement des pays d’Afrique subsaharienne (Niger, Egypte, Soudan, Tchad, Nigéria, Somalie...) ou de Syrie, en direction de l’Europe via la route de la Méditerranée centrale. Au vu du nombre grandissant de ces personnes en quête d’espoir de voguer vers un monde meilleur (181 000 arrivées détectées en 2016), la Déclaration de Malte le 3 février 2017 énonce la conclusion d’un accord soutenu par l’Union européenne entre l’Italie et la Libye, dans le but de lutter contre les passeurs et de contenir cette immigration massive irrégulière, notamment en favorisant son interception en mer puis son renvoi dans des centres de détention libyens. Ce protocole a par ailleurs été renouvelé en 2020 pour trois années supplémentaires, renforçant les objectifs de surveillance maritime via l’octroi de nouveaux soutiens financiers et autres moyens techniques. En effet, depuis la signature du premier accord, l’Italie a contribué à hauteur de 32,6 millions d’euros dont 10,5 millions d’euros en 2021.

Cependant, grâce à de nombreuses missions menées sur place, l’Union européenne est de plus en plus avérée de la façon dont ces migrants et réfugiés sont traités et des constats accablants concernant la violation des droits de l’Homme dont ceux-ci sont victimes dans le cadre de leurs conditions de détention. Sans compter sur le fait que pour parvenir en Libye, ces individus doivent généralement traverser le désert au péril de leur vie, exposés sans cesse aux trafiquants et autres groupes armés par lesquels ils sont accaparés, libérés seulement à condition de paiement de rançons, dont les montants sont généralement trop élevés pour les familles. En attendant de savoir s’ils seront un jour libérés, les réfugiés et migrants vivent dans de très mauvaises conditions, généralement privés de nourriture et d’eau, soumis à de la torture régulière, à des menaces et insultes incessantes. Pour ceux qui ne pourraient finalement pas payer, ils sont forcés de travailler, parfois à mort pour rembourser leur « dette » aux trafiquants.

Si tous les individus constituent des cibles potentielles, la condition des femmes en particulier s’avère être très préoccupante, celles-ci vivant dans la peur permanente de subir des violences sexuelles, que ce soit pendant leur traversée, sur les côtes ou une fois détenues dans les prisons libyennes. Une jeune fille de 22 ans érythréenne témoigne : « Sa famille ne pouvait pas encore verser de l’argent aux trafiquants. Ils l’ont emmenée, et elle a été violée par 5 hommes libyens. Ils l’ont ramenée plus tard dans la nuit. Personne ne s’est opposé. Tout le monde était effrayé ».

Cependant, une fois arrivés sur le sol libyen, le sort des migrants et réfugiés est loin d’être réglé. La plupart d’entre-eux sont régulièrement saisis par les milices et groupes armés locaux (seulement une petite minorité étant prise en charge par le Ministère de l’Intérieur) et sont placés en détention (une quarantaine de lieux sur le territoire en 2013), dans des conditions abominables et arbitraires, échappant à toute règle de droit. Les indices de maltraitance sont omniprésents : surpeuplement entraînant la propagation de maladies, le tout en étant passé à tabac sans raison et de façon parfois totalement aléatoire. Un des rescapés témoigne : « [Les gardes] nous ont mis des fers aux chevilles et aux poignets. [...] Ils nous ont battus. Ils nous ont frappé avec des bâtons en bois et en métal. J’ai encore des cicatrices de coups de couteau sur le dos. ». Une fois encore, seul le paiement d’une rançon conditionne leur libération. Un rapport de la Mission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a été publié le 28 mars dernier, dénonçant les conditions de détention et de torture « généralisée et systématique » que les migrants sont amenés à supporter, une fois interceptés soit en mer pour les plus « chanceux » qui ont pu passer sans avoir péri (plus de 1500 personnes sont mortes en Méditerranée centrale en 2021), soit directement à leur arrivée en Libye. Par ailleurs, l’ONU a décrété en novembre 2021, que ces violations étaient des crimes contre l’humanité. En effet, les personnes détenues sont « systématiquement torturées, violées ou menacées de viol, y compris sur des membres féminins de leur famille, et parfois tuées ». La Mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL) continue de recevoir des informations relatant des mauvais traitements inculqués aux migrants détenus dans ces prisons et de la profonde discrimination arbitraire dont ils font l’objet.

D’autant plus que le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme a remarqué l’existence d’une nouvelle contrainte, celle qui force les migrants et réfugiés à repartir chez eux sans qu’ils n’en sachent rien c’est-à-dire, dépourvus de sentiment éclairé. En effet depuis 2015, plus de 600 000 migrants ont été rapatriés par le biais de programmes d’aides au retour. Un nouveau rapport du HCR, Nowhere but back: assisted return, réintégration and the human Rights protection of migrants in Libya, s’appuyant sur divers rapports précédents et complets déjà menés (Lethal Disregard, A Pandemic of Exclusion et Unsafe and Undignified), analyse les lacunes en matière de protection des droits de l’Homme dans le rapatriement de ceux-ci. Une réfugiée déclare : « Je n’ai pas décidé de repartir. J’ai été arrêtée en mer et jetée en prison. Dans cette prison, des agents de l’ONU ont pris mes informations et j’ai été transférée de cette prison vers la Gambie. [...] On ne m’a rien dit au sujet de mon retour. Je savais juste qu’on m’expulsait. »

Il s’agit d’un sujet d’autant plus sensible que la plupart de ces réfugiés et migrants finit par accepter de repartir afin de ne plus avoir à souffrir des conditions de détention dans lesquelles ils sont forcés de vivre. Une décision qui s’avère difficile et délicate puisqu’une fois relâchés, cela signifie « retour à la case départ ».

CONCLUSION/OUVERTURE : 

De ce fait et afin de tenter de résoudre la question épineuse du sort des migrants au milieu d’autres problèmes économiques liés aux questions énergétiques, la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’est rendue à Tripoli le 28 janvier 2023 afin de rencontrer son homologue libyen. Si Rome a affirmé vouloir soutenir Tripoli en octroyant du matériel de recherche et de sauvetage, la situation semble toutefois bien loin d’être réglée.

Bibliographie

Articles de presse française

I.Urbina – Le Monde Diplomatique : « La Libye, garde-chiourme de l’Europe face aux migrants » (2022)

F. Maussion – Les Echos : « Cinq questions pour comprendre la crise en Libye » (2020)

GEO : « La Libye depuis la chute de Kadhafi : une décennie de chaos » (2022)       

 

Articles académiques

D. Perrin. (2009). Les migrations en Libye, un instrument de la diplomatie kadhafienne. Outre-Terre, 23, 289-303.

D. Perrin. (2021). La Libye comme terrain de reconfiguration géopolitique des migrations. Hérodote, 182, 93-108.

G. Jacques. (2013). Migrations en Libye : réalités et défis. Confluences Méditerranée, 87, 55-66.

Rapports d’Organisations Non Gouvernementales

Médecin Sans Frontières : « Accord Italie-Libye : 5 années d’exactions contre les migrants, chapeautées par l’Union européenne » (2022)

Amnesty International : «Réfugiés : Le piège Libyen » (2022)

ONU Info : « Libye : des enquêteurs de l’ONU dénoncent une torture généralisée dans les centres de détention

HCDH : « Le seul choix c’est de repartir : les migrants en Libye contraints d’accepter leur retour « volontaire » (2022)